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Mobilité et santé pour tous

Les travaux sur l’accidentologie ont conduit très tôt les équipes à investiguer les impacts de l’accidentologie sur la santé, que ce soit en termes de définition et de caractérisation des blessures liées aux accidents, ou à plus long terme après l’accident. Des travaux sur la réadaptation sont en effet réalisés au sein des UMR de biomécanique, et des travaux sur les conséquences à long terme des accidents sont menés à l’Umrestte sur la base de la cohorte Esparr, avec une entrée plutôt épidémiologique couplée à une approche socio-économique, et enfin au Lescot par ses recherches pour améliorer la mobilité et l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées et identifier les facteurs psycho-sociaux influençant l’activité de déplacement. Au-delà d’une grande partie de ces travaux qui relèvent principalement de la thématique « insécurité routière », des recherches ont également été initiées de manière plus générale sur les liens entre mobilité et santé. Cette thématique est sans doute encore plus pertinente aujourd’hui dans un contexte où les externalités négatives des transports sont de moins en moins tolérées et où la mobilité ou l’accès à la mobilité reste une condition sine qua non de l’intégration sociale, économique et sociétale des individus. Il faut pour cela distinguer l’influence de la mobilité sur la santé (en quoi un mode de déplacement constitue-t-il un risque pour la santé ?) de l’influence de la santé sur la mobilité (en quoi la santé constitue-t-elle un frein au déplacement ?). Cette thématique « Mobilité et santé » se décline autour de quatre enjeux principaux.

Au-delà des travaux déjà effectués sur le bruit des avions, à travers le programme de recherche Débats, il convient de déterminer quels sont les indicateurs acoustiques les plus pertinents pour évaluer les effets du bruit sur la santé, et notamment sur le sommeil : les indicateurs énergétiques (relatifs à des moyennes énergétiques de bruit sur des périodes données) ou les indicateurs événementiels (caractéristiques et nombre d’événements ayant dépassé un certain niveau sonore) ? Les travaux vont notamment permettre d’apporter des réponses à ces questions, dont on voit aisément les retombées scientifiques mais également sociétales. En matière de bruit, une nouvelle problématique est porteuse de développement et d’un fort enjeu de santé publique, à savoir les effets du bruit audible, des infrasons et des sons de basse fréquence engendrés par les éoliennes. Les premières réflexions engagées sur cette question conduisent à identifier deux verrous qui seront en partie levés par l’étude de faisabilité Cibélius :
- Le premier verrou concerne l’estimation des personnes potentiellement exposées au bruit des éoliennes. Contrairement à d’autres sources de nuisances sonores, les parcs éoliens sont construits dans des zones faiblement peuplées. Cependant, il devrait y avoir de plus en plus de personnes exposées (Cf. Grenelle).
- Le deuxième verrou réside dans la définition d’une méthode pertinente de calcul de l'exposition au bruit éolien. Il n’existe pas aujourd’hui de modèle de prévision du bruit éolien faisant consensus et il faut fournir des éléments de validation pour permettre d'identifier le modèle le plus pertinent.

Le focus choisi par TS2 (en lien avec le Laboratoire d’acoustique environnementale, Umrae, du département Ame) sur le bruit n’englobe évidemment pas toute la problématique des effets sur la santé des nuisances environnementales des transports et des infrastructures, sur lesquels une veille active sera effectuée. Pour analyser ou expliquer les états de santé, les équipes de TS2 utilisent également des indicateurs caractérisant la pollution de l’air produits par d’autres équipes extérieures à l’Ifsttar. Concernant le suivi épidémiologique et comme il est de plus en plus difficile et couteux de mettre en place des cohortes spécifiques, la stratégie mise en oeuvre est de s’associer à d’autres équipes extérieures à l’Ifsttar qui ont mis en place des cohortes « généralistes ».

Impact des états de santé sur la mobilité
De nombreux travaux ont déjà été réalisés concernant l’impact des états de santé sur la mobilité, que ce soit en lien avec la consommation de médicaments, ou d’autres états de santé liés au vieillissement ou à un handicap passager ou permanent. Même si le département a déjà produit beaucoup de résultats, quelques verrous persistent et justifient que l’on s’y attache.

Le premier verrou est la nécessité de s’appuyer sur des cohortes existantes très souvent mises en place par l’Inserm (3C sur les questions de vieillissement/démence, Gazel sur le risque d’accident). Comme évoqué précédemment pour les questions environnementales, l’enjeu pour TS2 est d’être impliqué très tôt dans la constitution de ces cohortes et des enquêtes complémentaires basées sur celles-ci. Cette difficulté importante n’est pas insurmontable. Le deuxième verrou est que l’impact de l’état de santé sur la mobilité est multifactoriel. Le vieillissement, le handicap, les maladies, les médicaments et les drogues licites ou illicites ont une influence sur la mobilité, la conduite ou la marche. Il y a donc nécessité à développer des travaux transversaux et multidisciplinaires, comme l’ambitionne le projet Chute. Enfin, un troisième verrou apparait avec le développement des nouvelles mobilités. Ainsi, l’arrivée des VA pose de nouvelles questions : comment mesurer l’aptitude à superviser un VA ? Comment les personnes âgées ou les personnes qui présentent un handicap vont-elles accéder à ces véhicules ? Au-delà de ces verrous transversaux, deux thématiques ayant déjà fait l’objet de travaux reconnus restent pertinentes et d’actualité : « Vieillissement et mobilité » et « Médicaments, maladie et mobilité ».

La baisse de la mortalité routière en France entre 2001 et 2016 a largement bénéficié aux jeunes usagers de la route et dans une moindre mesure aux 75 ans ou plus. Les raisons principales de la surmortalité des plus âgés sont plutôt physiopathologiques, avec une plus grande fragilité. En France, le nombre des personnes âgées de 75 ans ou plus augmentera de 31 % entre 2020 et 2030, et de 57 % entre 2020 et 2040 (Ined). Par ailleurs, la mobilité locale des personnes de plus de 75 ans a augmenté d’environ 20 % chez les hommes et 33 % chez les femmes, celles-ci étant de plus en plus nombreuses à accéder à la conduite. Il faut également rappeler que les modes actifs et notamment la marche représentent une part très importante de la mobilité quotidienne. Par exemple, la marche représente 35,3 % des déplacements quotidiens en 2015 sur le périmètre de la métropole de Lyon. Permettre aux personnes âgées de se déplacer à pieds en sécurité est donc un enjeu majeur pour la ville du futur.

Ce contexte de changements technologiques majeurs, associé au vieillissement de la population, à l’augmentation de la mobilité des personnes âgées, et à la baisse de l’écart de mortalité entre jeunes et âgés, contribuent au fait que le vieillissement est au coeur des préoccupations des acteurs de la sécurité routière et de la santé publique. Concernant les personnes âgées, les travaux sur leur accidentalité et leur mobilité seront poursuivis. La question de la marche et du risque de chute sera particulièrement étudiée, dans ses aspects biomécaniques, cognitifs et neurocognitifs. Il s’agira également de comprendre si la peur de la chute a des effets sur la mobilité, dans les aspects stratégiques, tactiques et opérationnels du déplacement piéton.

Les activités de conduite demandent des capacités cognitives, visuelles, et auditives importantes. La prise de médicaments et/ou les pathologies elles-mêmes peuvent dégrader ces capacités : les pathologies comme le diabète, l’épilepsie, les troubles du rythme cardiaque… peuvent être à l’origine de brusques pertes de conscience, d’autres pathologies altèrent le jugement, la prise d’information ou la prise de décision (pré-Alzheimer). De nombreux travaux sont faits dans le département sur ce dernier type d’atteintes ; il reste à explorer d’une part la part de risque attribuable aux maladies dans les accidents ; d’autre part, la relation entre pathologies et conséquences secondaires de l’accident (gravité plus importante des lésions dans certains cas). De même, la rapidité de la prise en charge des accidentés et l’adéquation des moyens, notamment en regard de la morbidité sous-jacente, reste à évaluer.

Pour ces travaux, plusieurs verrous apparaissent pour lesquels nous sommes a priori bien positionnés. Ainsi, concernant la disponibilité des données de santé, le SNDS constitue une opportunité à saisir. Par ailleurs, la nécessité d’une connaissance plus fine des circonstances d’accidents peut être facilitée par un accès aux données hospitalières d’urgence, comme c’est le cas dans le Rhône et à Marseille. Concernant la réalité de la prise médicamenteuse, l’Umrestte travaille avec l’équipe IETO qui a mis en place l’étude Cesir sur la prise de médicaments et l’accidentologie.

Enfin, le dernier verrou est la prise en compte du mal être psychologique et de la responsabilité de celui-ci dans la survenue des accidents, puis dans la récupération de l’état de santé.

Influence de la mobilité sur la santé
Plusieurs thématiques à fort enjeu font déjà l’objet de travaux au sein du département. Au-delà de la question des accidents, vues par ailleurs, cela concerne notamment les chutes, que ce soit à pied ou à vélo. Le groupe de travail « Chute et Mobilité » est emblématique d’une approche transversale et interdisciplinaire nécessaire pour traiter ce type de question. On peut évoquer par exemple l’effet d’un programme d’entrainement physique sur la marche des personnes présentant une maladie de Parkinson.
Un des paradoxes de la mobilité active est l’opposition entre l’encouragement à cette mobilité active (piétonne et vélo) en ville et le risque élevé d’exposition aux polluants et aux accidents. Un des objectifs pour le prochain quinquennal est d’identifier des indicateurs d’exposition risques/bénéfices pour chaque mode de déplacement afin d’extraire un bilan sur la santé et la mobilité active (Est-ce que le nombre d’accidents est réduit par un usage accru des transports collectifs ? Quels sont les effets positifs ou négatifs sur l’accidentologie ?). Il y a là un intérêt certain pour les politiques publiques. Au-delà de ces indicateurs, plusieurs questions sont également abordées, concernant par exemple les souhaits des personnes en matière de mobilité (choix ou contrainte) ou l’impact d’une réduction de la mobilité sur l’accès aux soins (problématique du renoncement aux soins).

L’accès à la mobilité pour tous, inégalités socio-territoriales et de genre
Depuis plusieurs années, le département s’attache à analyser les besoins des usagers présentant des gênes ou des handicaps avec l’objectif de réduire les inégalités dans l’accès aux transports. L’idée est d’identifier les facteurs qui contribuent aux difficulté d’accessibilité afin de pouvoir agir sur ces facteurs pour favoriser la mobilité et plus généralement pour améliorer la qualité de vie et le bien-être de ces usagers (personnes âgées, personnes avec handicap physique, sensoriel ou cognitif). L’angle de vue est différent de celui adopté par les approches purement médicales ou des sciences de rééducation et de réadaptation, le handicap n’est plus envisagé uniquement à l’échelle des individus eux-mêmes mais dans le cadre d’un environnement physique et social. Des travaux sont menés pour orienter et concevoir des aménagements techniques (cheminements…), technologiques (messages visuels…) ou d’aménagement urbain (effets de coupures…). Ces travaux visent l’amélioration de la qualité d’usage des transports.

TS2 s’est également intéressé aux différenciations et inégalités en matière de mobilité et d’insécurité routière, que ce soit les inégalités socio-territoriales de l’insécurité routière des jeunes ou les différences d’exposition et de comportement selon le genre. Ces recherches restent à la fois pertinentes tant en termes scientifiques que par leur impact potentiel en matière de politiques publiques avec des actions ciblées par groupe de population.

Les autres nouvelles formes de mobilité
L'un des effets des politiques de restriction de la place de l'automobile dans les villes a été la forte augmentation de l'usage des deux-roues motorisés et de l’offre de véhicules adaptés aux contextes urbains pour une clientèle diversifiée. Les vélos à assistance électrique et les EDP se développent également au sein des villes. Pour ces nouvelles mobilités, se posent des questions de sécurité, d’aménagement et d’interactions avec les autres modes de déplacements et les autres usagers.

Concernant les EDP, TS2 est complémentaire du département Ame, dans le cadre du projet fédérateur de l’Ifsttar « Ville 2050 ». L’absence de réglementation en matière de formation, d’usage, et de protection, pour ces engins est potentiellement porteuse de risques tant pour les utilisateurs de ces modes que pour les autres usagers. Concernant les vélos à assistance électrique et les "2RM à usage métropolitain", les ventes de vélos à assistance électrique (VAE) ont désormais dépassé celles des cyclomoteurs. Ils seront prochainement disponibles en libre-service et sans borne (déverrouillage au guidon avec carte ou smartphone), avec dépôt à proximité d'une station (verrouillage électronique). De même, on note l'arrivée sur le marché de scooters contemporains à trois ou quatre roues, plus stables, avec un accès en libre-service (Cityscoot à Paris et Nice, Yugo à Bordeaux...) ou en location longue durée. Cette nouvelle offre attire de nouveaux utilisateurs désireux de s'affranchir de la congestion.

Un accent sera mis dans les années à venir sur l'étude de ces nouveaux usages dans les métropoles. Le département se positionne sur les différents problèmes de sécurité qu’ils sont susceptibles de générer : veille de l’accidentologie (Registre du Rhône et BAAC), et travaux expérimentaux sur simulateur ou sur piste. Des travaux expérimentaux en grandeur réelle (avec Transpolis) et le développement de travaux de recherche s’appuyant sur des simulateurs permettent de répondre à ces enjeux.